Un site naturel à découvrir : son histoire humaine, ses vestiges, sa faune, sa flore...

"Une trentaine de kilomètres de gorges suffirait à faire de la Cère une perle des rivières du Massif central et de la ligne ferroviaire une des plus étonnantes de France " 

Introduction


L’histoire de la ligne de chemin de fer reliant Aurillac à Saint-Denis près Martel (Lot) a débuté au milieu du XIXe siècle. Le 29 juin 1862, il est élaboré une proposition de ligne en prolongement du tracé reliant Libourne, en Gironde, à Bergerac, dans le département de la Dordogne. Celle-ci devait ainsi passer par Sarlat (Dordogne), Souillac et Bretenoux (Lot) puis La Roquebrou pour rejoindre Aurillac (Cantal). À la base, la ligne de chemin de fer ainsi construite devait permettre d’assurer la prospérité industrielle du secteur. D’autre part, elle devait éviter le transport coûteux du bois débité qui était déplacé à grands frais vers Bergerac et Libourne au moyen du flottage et de l’embarcation sur les petites rivières d’abord et la Dordogne. En effet, le bois transporté arrivait sur le marché à un prix si élevé qu’il était impossible de lutter contre le bois du Nord ou celui de Bosnie-Herzégovine.

Les tracés

Plusieurs hypothèses ont été étudiées dans le cadre du tracé de la ligne, en particulier sur la portion Port de Gagnac-Aurillac. Deux projets de tracés passaient par les plateaux. Le premier d’entre eux suivait les plateaux de la Corrèze, desservant ainsi Mercoeur, Montvert et Saint-Paul des Landes. Le second projet traversait les plateaux du Lot par Sousceyrac, Saint-Saury et Le Rouget, rejoignant ainsi la ligne Figeac-Neussargues pour relier Aurillac. Cependant, la population locale était fortement opposée à l’arrivée des tractions à vapeur dans son lieu de vie. À ses yeux, l’arrivée du train augmentait les risques d’incendies, pouvait amener des voleurs. D’autre part, elle craignait le viol de bergères par des inconnus. En effet, dans les fermes de l’époque, les jeunes filles de la maison menaient les troupeaux aux champs. D’autre part, le projet par les plateaux du Lot nécessitait des travaux importants à cause d’une forte déclivité. Le tracé par les plateaux de la Corrèze était quant à lui le plus long et donc plus coûteux. C’est donc le troisième projet, par la vallée et les Gorges de la Cère, qui fut retenu en 1876, jugé plus facile à exploiter et moins dispendieux. 62 kilomètres de rails sont ainsi construits dans les années 1880. Il apparaîtrait, au vu des dates de construction des tunnels, que la ligne aurait été construite dans le sens descendant, donc pour les Gorges de la Cère depuis La Roquebrou jusqu’à Laval de Cère. Le projet définitif de la ligne est adopté par décision ministérielle le 3 août 1878. La ligne est concédée par la suite à la Compagnie d’Orléans le 16 février 1884.

La construction

La construction de la ligne a nécessité des travaux très importants réalisés par 800 à 900 ouvriers environ, en majorité français ou italiens. De nombreux conflits ont d’ailleurs éclaté entre les deux nationalités, notamment les jours de paie.

Evolution du nombre d’ouvriers du 10 avril 1883 au 10 avril 1884

Dates Ouv. français Ouv. italiens Autres nationalités Total
10 avril 1883 580 266 12 858
10 mai 1883 503 277 11 791
10 septembre 1883 686 163 10 859
10 octobre 1883 887 100 9 996
10 janvier 1884 804 49 10 863
10 avril 1884 863 21 6 890

Le plus gros chantier fut indiscutablement la réalisation des ouvrages d’art. Sur la portion La Roquebrou-Laval de Cère, il existe encore deux ponts et surtout 23 tunnels creusés à la pioche et à la dynamite . Ces tunnels couvrent en moyenne une longueur de 200 mètres, le plus petit en mesurant 47 (Roquelade) et le plus grand 573 ( Lasbordes ). Aux deux extrémités de chaque souterrain est gravé, dans la pierre, le nom et les dates de construction. D’autre part, à chaque extrémité de tunnel était construite une maisonnette, habitée par un agent qui entretenait régulièrement une portion de voie et sa famille. La plupart des maisons de passages à niveau et de gardiens de section de voie ont été supprimées. Aujourd’hui, Il existe cependant des cabanes de deux mètres sur trois qui sont des abris de parcours pour les équipes de travaux basées à La Roquebrou. Le tunnel de la Verrerie, dans la partie cantalienne, a été fermé en raison d’un écroulement progressif de sa structure. Il a été dévié en 1962 par l’ouverture d’un viaduc d’environ 500 mètres sur la rive gauche de la Cère.

La mémoire orale du territoire raconte que chacun des tunnels mais aussi des ponts dispose d’un creux qui avait été construit pour déposer des explosifs et saboter la ligne pendant les guerres. 

Les tunnels

 

    la liste de ces 23 tunnels.

Par ailleurs, il existe trois autres tunnels sur la ligne Aurillac-Saint-Denis près Martel en dehors de la portion précédemment citée.

  • Tunnel de Puech-Miséri, 195,79 mètres, commune de Saint-Gérons (Cantal)
  • Tunnel du Rocher-Coulomb, 84,94 mètres, commune de Laval de Cère (Lot)
  • Tunnel de Port de Gagnac, 81,13 mètres, commune de Gagnac sur Cère (Lot) 

La mise en service de la voie a eu lieu le 11 mai 1891. Dès les premières années, de nombreux accidents se sont produits. Il s’agissait principalement de déraillements dus à des éboulements de roches tombées sur la voie. Ces accidents ont malheureusement fait beaucoup de victimes.

Jusqu’en 1941, il existait quatre gares dans les Gorges de la Cère, situées à La Roquebrou, Siran, Lamativie et Laval de Cère. Aujourd’hui, il n’en reste plus que deux qui se trouvent à La Roquebrou et à Laval de Cère.

La halte de Siran, dont le site est toujours sur pied, a été dès le départ souhaité par les communes de Siran et de Saint-Julien le Pèlerin. Sa création non prévue dans le projet initial, puis ensuite le choix de son implantation sont une longue histoire qui a duré plusieurs années (voir registres communaux de Siran) puisque sa mise en service est bien postérieure à l’ouverture de la ligne. La desserte des voyageurs a cessé en 1941, la halte étant jugée peu rentable par la compagnie d’exploitation de la ligne.

Les gares

 

La gare de Lamativie, fermée définitivement aux voyageurs au début des années 1990, a été rasée en 2002, en raison des différentes dégradations dont elle a été victime. 

La gare de Laroquebrou,  quant à elle, est aujourd’hui la seconde gare du Cantal pour le transport du bois.  Un chemin, qui correspond en partie au sentier GR* 652, de La Roquebrou à la halte de Siran, longe le tracé principal de la voie. À la fin du XIXe siècle, ce parcours appelé « la petite ligne » servait aux ouvriers pour apporter les matériaux nécessaires à la construction de la ligne. Juste avant la halte de Siran, se trouve le trou dit de « la Fauvette », un souterrain creusé dans la roche. Ce site porte le nom d’une petite locomotive, baptisée ainsi par son conducteur, qui permettait à l’époque de porter les matériaux jusqu’au lieu de travail. Entre autres, la plupart des chemins d’accès au sentier ont été ouverts pour permettre aux ouvriers des villages d’accéder à leur lieu de travail et donc à la ligne de chemin de fer. Ils ont également permis d’accéder aux travaux des galeries souterraines fondées pour l’exploitation de l’énergie hydroélectrique au début du XXe siècle.

La mémoire orale et les registres communaux signalent également que beaucoup de personnes sont nées au fond des Gorges de la Cère, durant la fondation de la voie. Certains registres de naissances sont d’ailleurs conservés par les mairies, ainsi que les cahiers des blessures. 

Enfin, il existe aujourd’hui un système d’alerte « Voie bouchée » qui entre dans le cadre de la protection de la ligne en cas d’intempéries ou d’éboulements. Ces derniers sont en effet assez fréquents en raison de la configuration géologique des Gorges de la Cère.

Les verreries et la fondation de la ligne ferroviaire, dans les Gorges de la Cère, ont permis de créer une formidable histoire humaine.

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